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Mégère apprivoisée
9 janvier 2011

Why are you such an asshole?

    Une phrase bien agressive pour présenter un film tout en délicatesse... Je suis enfin allée voir "Somewhere", le dernier film de Sofia Coppola. Avec un peu de réticence, il faut bien le dire. Je ne suis pas complètement conquise par la filmographie de la fille de Papa Francis, alors que j'adore Papa Francis... Dans mon milieu (celui des profs de lettres), il est de bon ton de porter aux nues "Lost in translation", que j'ai trouvé assez inconsistant. Et allez savoir pourquoi, "Somewhere" est encore plus inconsistant... et pourtant cette fois ça a pris. Alors pourquoi?

    On retrouve toujours les mêmes thèmes: l'ennui, le décalage, la jeunesse. J'ai trouvé intéressant que le personnage qui vient bousculer l'apathie du héros fatigué soit quelqu'un qui n'est plus tout à fait une enfant et pas encore une adolescente. Son corps témoigne de cet état d'entre-deux, et c'est assez troublant. Le père est petit (dans la vraie vie, Stephen Dorff mesure 1m70, allez voir sur imdb.com), la fille est déjà grande pour son âge. Et elle est plus mûre que lui. Elle cuisine les oeufs Benedict comme personne alors que lui ne sait pas doser ses pâtes. 

    La musique. Je la trouve mélodieuse mais pas toujours très tonique chez Sofia Coppola. Alors je sais, il y a Phoenix, groupe versaillais, le leader est le compagnon de la réalisatrice, bla bla bla. Mais cette fois-ci, j'ai été charmée. Même par la scène où Cleo fait une démonstration de patinage artistique (alors que je déteste ça) sur... "Cool" de Gwen Stefani (j'aime bien Gwen Stefani mais "Cool", je l'ai toujours trouvée très mauvaise). La scène est belle alors que le justaucorps est... eh bien, très patinage artistique, et la musique de la pop bas de gamme.

    La ville. J'ai une passion pour Los Angeles, dont j'ai arpenté plusieurs fois les rues, en voiture et à pied. Jamais en Ferrari, d'accord! Sofia Coppola sait filmer la fascination et l'anonymat que suscite cette ville, baignée par le soleil et pourtant déprimante à certains égards. Je ne suis jamais entrée au Chateau Marmont (Chateau sans accent circonflexe!), d'abord parce que c'est une vraie forteresse pour stars (on y accède par une rampe pour les voitures, à pied c'est impossible, donc ça dissuade) et parce que la chambre de base est à plus de 300 dollars la nuit. Je suis passée devant cela dit, et j'ai pensé à tous ceux qui sont morts là-bas (James Belushi, Helmut Newton pour ne citer qu'eux). En face, de l'autre côté du trottoir, on trouve le Viper Room, la boîte de nuit devant laquelle est mort d'overdose River Phoenix en 1993. Boîte qui appartenait à... Johnny Depp, un autre Johnny du Chateau Marmont, qui se vante d'y avoir lutiné Kate Moss dans toutes les chambres. Voilà pour le mythe. Remercions Sofia Coppola pour avoir filmé l'endroit, même si cela ne tient pas du documentaire.

  Le décalage. J'ai beaucoup aimé l'épisode italien. Johnny Marco a beau être un Italo-Américain (comme les Coppola), il ne pige rien à ce qu'on lui dit et se limite à des "Buongiorno" et des "Grazie" embarrassés. Il passe son temps dans un autre hôtel de luxe sur lequel il promène le même regard fatigué. Il est entouré de bimbos sur scène qui se trémoussent autour de lui et attend patiemment que ça se termine... sous le regard amusé de sa fille qui a l'air de mieux saisir les codes de ce genre de situation. Entre parenthèses, la télé italienne vulgaire en prend pour son grade et ça, c'est réjouissant! Autre décalage, les adultes qui ne savent jamais se comporter comme il faut devant une enfant: "How old are you? Eleven. Do you have a boyfriend?"...

  Le héros. Stephen Dorff est un bon choix. Il est connu mais suffisamment peu médiatique pour qu'on entre dans le film et qu'on croie vraiment à son identité de Johnny Marco. Il a le même problème de taille avec ses partenaires féminines que Tom Cruise (1m69) mais il est beaucoup moins arrogant. Et surtout, son personnage a un modèle réel évident. Un homme qui a été le petit ami de Sofia Coppola il y a vingt ans, qui a trimballé sa mélancolie et son célibat de beau gosse pendant des années au Chateau Marmont où il a eu sa chambre pendant de longues années. Qui aime fumer et boire de bonnes bouteilles. Qui porte les mêmes T-shirts fatigués, les mêmes chemises à carreaux que Johnny Marco. Qui aurait eu une fille de dix ans si le bébé n'avait pas été mort-né. Qui a la même gentillesse et le même regard ahuri en interview. Il s'appelle Keanu Reeves et c'est un de mes acteurs préférés.

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Commentaires
L
Je suis "bouche bée" devant une telle analyse du film! Il faudrait que mon fils, qui est en première voie le film juste pour lire l'analyse que tu en fais! (mais il n'en fera rien hélas) Je ne serais pas capable d'en faire autant... par exemple, je me suis demandé, juste pendant à peine une fraction de seconde, pourquoi il se faisait tant de pâtes s'il était tout seul (eh oui, nulle, la fille!). Je vais devenir une lectrice assidue de ce blog d'une prof de français... je vais y piocher plein d'idées de films et de lectures.<br /> Bisous
L
ahhhh, enfin un message ! Je suis contente, on a aimé le film toutes les deux. Mais merci pour les précisions que je ne connaissais pas (je ne suis pas une spécialiste de Keanu Reeves, moi)Salut
L
Super, merci! Tu donnes vraiment envie d'aller le voir! J'ai vu les affiches pour la première fois dans le métro et cette lumière qui s'en dégage , ajoutée au nom de Sofia Coppola, m'a donné envie de le voir!<br /> Tu devrais mettre une newsletter pour que l'on soit informées de tes messages!<br /> Bisous
Mégère apprivoisée
  • Petites réflexions sur les livres, les films, la musique par quelqu'un qui aime râler quand c'est justifié et qui aime crier son enthousiasme même quand tout le monde ne trouve pas ça justifié.
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